vendredi 3 octobre 2014

Penny Dreadful: La Ligue des Gentlemen pas trop fréquentables quand même...



Vous entendez parfois dire que la pire chose pour une série c'est d'avoir un fond passionnant et des personnages plus plats que la Belgique.
C'est vrai, une série comme «The Killing» en est un exemple parfait. Et bien pour une fois, ça fait presque plaisir de rencontrer l'inverse.
Une série avec des personnages fouillés, hautement complexes pour certains, osant défier les clichés du genre pour d'autres tout en ayant une trame principale ridicule.
Et je pèse mes mots : Parfaitement ridicule.

Attention légers spoilers.

Autopsie d'une créature (surnaturelle) de Showtime :


Penny Dreadful doit son nom à ces scénettes pseudo-horrifiques dont la population de la fin du XIXème siècle raffolait. Surjouées, gores, tendancieuses voire érotiques, elle ravissaient le petit peuple et encanaillaient les puissants.
Des scènes empruntées à ce qui deviendront nos classiques tel Frankenstein, Dracula, et autres créatures du Folklore y étaient fréquemment mises en scène sans que l'histoire originale ne soit jouée dans son ensemble.
(Pour le respect de l’œuvre et les droits d'auteurs, vous patienterez jusqu'au XXème siècle, merci.)
En l’occurrence:
Prenez, Lord Malcom Murray, aventurier de l'Afrique coloniale, Vanessa Ives, sa conseillère mystique et Ethan Chandler, professionnel du tir de spectacle qui enquêtent sur des phénomène paranormaux dans le Londres victorien et vous avez, en fait, tout le sujet de ce show.

Quand Ethan est recruté par une belle et sombre inconnue pour faire quelques heures supplémentaires dans les bas-fonds, il s'engage pour ce qu'il pense être un simple job de mercenaire afin d'arrondir ses fins de mois d'artiste au bout du rouleau.


C'est sans compter ce qu'il va voir lors de sa première mission et l'insistance des personnes tuées à se relever d'entre les morts.
Il entame alors, au contact de l’envoûtante Miss Ives, une descente infernale dans les ruelles étroites et les arcanes des meurtres les plus sordides de la capitale anglaise mêlant créatures extraordinaires et sombres destinées.

Showtime frappe fort avec celle-là.
Dans ce Londres froid et fantasmé digne de Jack l'Eventreur, les auteurs entremêlent les vies de grands anti-héros de la litterature et de simples humains à la dérive.

Ives, Murray et Chandler sont sur les traces d'une créature très ancienne et recrutent durant leurs pérégrinations un formidable allié en la personne du Dr Frankenstein, s’acoquinent avec un certain Dorian Gray et puisent conseil auprès de l'éminent Professeur Van Helsing.
Si vous êtes un familier de la Ligue des Gentlemen Extraordinaires, vous voyez de quoi je parle. Mais en plus sombre, bien plus sombre.
Remixé au goût du jour avec ce qu'il faut de chic et de choc, bien sûr.


Ici, tout le monde est triste, torturé, chacun porte sa croix, (Frankenstein a la sienne personnifiée en sa créature d'ailleurs): la mort est omniprésente et aucune relation n'est salvatrice ou même saine.
Attention, ambiance!

L'écriture, hors fil rouge, est un régal : Outre le joli langage bien ampoulé qui vous demande une attention de chaque instant et vous ravit de petites piques, vous avez une exploration presque épisode par épisode des différents protagonistes.
Les meilleurs sont probablement ceux centrés autour de Vanessa, qui me réconcilient enfin avec Eva Green dans une de ses meilleures prestations depuis longtemps.
Observez le gros travail de mise en
opposition
Que ce soit dans «Closer Than Sisters» où elle revèle l'étendue de ses tourments ou dans «Possession» qui crée une ambiance de huis clos, elle est parfaite.

Ok, elle joue toujours les femmes aussi fatales que folles et dédaigneuses mais ici, sa froideur est compensée
par un jeu de va et viens entre les differentes facettes de sa personnalité.

Si Ethan (Josh Hartnett, qui restera toujours Slevin pour moi) est un bon personnage aussi c'est parce que les auteurs lui ont fait un grand cadeau : Ils l'ont affublé de la capacité à sortir du cowboy moyen américain. Il en est de suite plus sympathique. Pour ne pas dire surprenant. (Voyez «What Death Can Join Together» pour vous en assurer).

Ha oui, c'est pas à cette séquence que je pensais..mais aussi.
L'autre gros coup de cœur c'est le Dr Frankenstein, personnage hautement anthipatique jusqu'à lors à mes yeux qui me semble soudain extrêmement intéressant.
Le travail d'Harry Treadaway qui l'incarne n'y est pas étranger, je pense. En voilà un autre qui ne rentre dans aucune case à chaque fois que vous essayez de le catégoriser. Ni bon, ni méchant, lâche sans être couard, toxicomane mais excellent médecin, raisonnable, humaniste et romantique qui décide pourtant de ramener des morts à la vie.
Je dirais que son personnage est si bien écrit qu'il pourrait même profiter de sa propre série.



C'est là qu'on arrive au cœur du problème : La série manque de cohésion. 

Les histoires, bien qu'entremêlées laissent transparaître la difficulté pour les auteurs de faire coexister autant de trames dans le seul format de 8x40 minutes.
Du coup, on a : des acteurs formidables qui bouffent l'écran, des second rôles qu'on voudraient mieux connaître à l'instar du majordome et de Brona tristement mélangés à des personnages presque insupportables comme Murray (Timothy Dalton joue à minimat, c'est nul!).

Brona et Dorian.
Après, tu vois les promos..tu sais à quoi t'attendre.

Le plus gros gâchis reste sans nul doute Dorian Gray. C'est Reeve Carney qui s'y colle et c'est vraiment pas si mal étant donné la faible importance de ses interventions.
Moi j'aime bien qu'ils en aient fait un emo gentiment ennuyé de tout. Je critique à peine son espèce d'altruisme qui ne colle pas du tout au personnage d'Oscar Wilde.
Ce que je ne peux pas supporter c'est qu'ils ne l'ont introduit que pour le sexe. Je suis sérieuse. Il n'a absolument aucun intérêt en lui-même. C'est le dernier accessoire hot en vogue dans votre télé, et ça a le don de me gonfler.

A moins que vous n'ayez jamais entendu parler de la nouvelle originale dont il est issu, il n'y a aucun mystère quant à son comportement. C'est du personnage sous traité, ça, mesdames messieurs.
Espérons que dans la saison 2, on en apprendra plus sur lui et sur ses motivations profondes. Si tant est qu'ils lui en trouvent. (Être une allégorie pour un siècle égocentrique, bourgeois et dépravé a ses limites, je vous l'accorde).
Bon, ok, on aura toujours les scènes de sexe les plus choquantes programmées par la chaine depuis un bail. Merci Dorian, t'arrête jamais !

Vous voulez le pire de tout ?
Ben allons-y : Dites moi quel est le fil rouge, comment il se résout et si vous avez vibré durant «Grand Guignol», le season finale?
Non? Pas d'idée?...Voilà. Rien, du tout!
L'enquête transversale et l’obsession commune de Ives et de Murray sont traitées n'importe comment! Première fois que je rencontre une étude de personnage plus intéressante que le sujet qu'elle sert.
Ne parlons même pas des scènes d'action pathétiques que ça entraine. Une telle déception c'est difficilement descriptible.
Josh Hartnett «attaqué» par des goules maquillées par le forain du coin, c'est moche à voir et ça baisse irrémédiablement le niveau .
Espérons qu'ils nous pondront une vraie trame à rebondissements pour la prochaine fois.
Hé..attendez...et si la vraie enquête que mène le spectateur concernait plutôt l'assassinat de la logeuse au début ? (Wink-wink)


Heureusement que la vraie action passe par les dialogues cinglants, les ambiances morbides d'après massacre et l'ivresse de la violence que certains personnages transmettent très facilement.
Il y a même des moments de pure grâce avec, par exemple, un Frankenstein qui cite de la poésie romantique de Mary Shelley, ou encore la mise en abîme incroyable vers la fin de la saison: Vous regardez un Penny Dreadful qui en respecte tous les codes pendant que les héros eux-même assistent à un Penny Dreadful au théâtre. Excellent, pas vrai ?

Un dernier mot pour signaler le boulot formidable des décorateurs et des costumiers. 

La séquence d'intro de Dorian qui admire...des portraits. Superbe.
Tous les personnages sont superbement habillés en fonction de leur classe sociale et leurs «intérêts». Vanessa possède notamment un garde robe à tomber....enfin jusqu'à ce qu'on prenne le temps de regarder celle proprement fantasmatique de Gray.

La morgue et l'atelier de Frankenstein, son aspect blafard et l'éclairage jaune sont des nec-plus-ultras qui m'ont immédiatement séduite.

Dans l'ensemble, l'esthétique est une vraie réussite.




Tout un univers glaçant et fantomatique mêlé à de grands salons aristocratiques où l'on se livrent à des fêtes débridées et des expériences paranormales. De plus, j'ajouterais que vous ne vous ne vous promèneriez sans doute jamais seuls dans ces rues !


Avez-vous aimé Penny Dreadful ? Personnellement, je l'ai dévoré, enchantée par le vocabulaire victorien et l'aspect visuel, tourneboulée par les errements malsains des héros. Je reste toutefois partagée sur le fond et je ne parviens pas à  me décider. Ça valait bien une saison 2.

 








Pauvre Vanessa, coincée entre tous ces BG...
 Drac

2 commentaires:

  1. Je pense que l'objectif est de raconter l'histoire des personnages, plus que celle de la recherche qui les anime et les amène à se rencontrer. Observer un Frankenstein en proie a son démon par exemple, est un délice sans nom. La série s'accapare les grands classiques de l'époque et les place dans un même théâtre, en réussissant au passage à donner à ce nouvel univers une cohésion géniale, alors même qu'il est composé d'univers très forts et indépendants.

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    1. Et ceci est probablement la meilleure analyse que j'ai pu lire sur cette série.
      Je persiste dans l'idée qu'il y a un vrai souci de cohésion et de narration mais j'adhère complètement à ta vision des choses.
      Merci pour cette excellente contribution!

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