vendredi 26 avril 2013

C'est Chaud (et servi saignant) : Hannibal.

Avertissement : l'auteure de cette review s'est envoyée les « trois » films de Lecter et les trois premiers épisodes de la série, la même semaine. Plusieurs fois pour ce qui est de ces derniers. De quoi avoir la cervelle bien entamée...à la cuillère.

ENFIN !
Et je le dis avec toute la conviction dont je suis capable, enfin une nouvelle série sur un tueur (oui...on y reviendra), qui vaut le coup d’œil et le coup de cœur.


"Hannibal" vient juste de sortir sur NBC (Community, Awkward, Grimm, NY SVU). Déjà quatre épisodes à la psychologie et l’esthétique fouillées qui dépassent de loin le tiède «  Bates Motel » et les involontairement drôles « The Following » et « Do Not Harm » sortis eux aussi cette année.

Au cas où ni les images ni le titre ne vous aurez fait tilter, il s'agit de la première intrusion télé du psychopathe le plus célèbre du cinéma américain : Le docteur Hannibal Lecter. 

Hannibal  « Hello-Clarice-le-Cannibale » Lecter pour les intimes.

Si vous êtes un puriste du (des) film(s) ou des bouquins de Thomas Harris qui les ont inspirés, là, techniquement, je viens de vous refiler la chair de poule. Pas à la mention du nom, avouons qu'on l'adore celui là, mais plutôt à l'idée qu'une chaîne du câble américain touche à ce personnage mythique.
Comment encore écrire dessus sans l'abîmer ?

Bonne nouvelle, « Hannibal », le TV show, est alléchant comme pas permis. Et ce, en raison d'un respect scrupuleux de l'ambiance des bouquins sous la surveillance du romancier Harris. Voyez le trailer!

En conséquence, l'histoire tourne autour de Will Graham (Hugh Dancy), professeur et consultant du FBI dont la totale empathie envers les tueurs lui permet de les traquer comme nul autre. Mais ce don unique est aussi une malédiction: l'homme est instable, constamment obligé de repousser ses démons et ceux que lui transfèrent les tueurs.
Qu'importe pour Jack Crawford (Laurence Fishburne), le chef du département de psychologie criminelle du FBI qui compte exploiter ce potentiel au maximum !
Si Will est au bord d'un grand précipice, alors on va lui coller un psychiatre qui va le maintenir sur le droit chemin de la santé mentale.
Pourquoi pas ce médecin si réputé et hautement recommandé : Hannibal Lecter? (Mads Mikkelsen).
( Prenez vos mains, calez-les des deux côtés de votre visage, ouvrez la bouche et imitez "Le Cri" de Munch pour saluer l'idée du siècle).


D'emblée, on sent que toute la série tournera autour de cette relation étrange, sorte d'amitié intellectuelle et de jeu du chat de la souris entre Will et Hannibal. ( Et c'est bien normal, je dirais même qu'un cop show d'action pure et virile aurait été un véritable gâchis!)
Parce que le Dr Lecter aime par dessus tout jouer avec la tête des gens et que Will a justement une intelligence et une émotivité savoureuse pour quiconque adore repousser les limites.
Will fascine Hannibal et excite ses pulsions manipulatrices tout en lui donnant enfin l'occasion de converser avec un être de son acabit.
Tout ceci est extrêmement détaillé dans les dialogues du pilote : l'art de pousser les gens à bout de Lecter et la connexion flagrante entre le serial-killer et son patient/partenaire.

Le TV-show serait une offense au mythe s'il n'était pas servi par deux acteurs principaux absolument habités par leur rôles.
Et il faut remercier Bryan Fuller, le créateur, pour avoir parfaitement choisis.


Mads Mikkelsen (Le Chiffre de "Casino Royale", L'amant de " A Royal Affair", le prof de "The Hunt" pour lequel il a reçu l'an dernier le prix d’interprétation à Cannes) incarne le Dr Lecter de façon magistrale à mon avis.

J'aime sa froideur inégale, son utilisation experte de la langue, son sens aigu de l'observation et sa capacité à s'immobiliser derrière Will en tout étant aussi rassurant pour le héros que menaçant pour nous.
L'un des angles scénaristiques est, qu'en la circonstance, nous savons bien évidemment que c'est un tueur sadique et cannibale mais que personne d'autre n'en est conscient. Le docteur de Mads en devient un excellent acteur à l'exquise duplicité.
En plus d'être de toute beauté ( le personnage, l'acteur, sa fabuleuse garde-robe), Hannibal est, autant que se peut, sensible, empathique à l'égal de Will sauf qu'il se sert de ce don pour détruire et non pour aider.

Le langage du corps et les non-dits sont à eux seuls des raisons de se lancer dans un visionnage. La stature, le raffinement et l'exotisme joués par Mads donnent un coup de fraîcheur au personnage sans trahir nullement l'original.

Je pense aussi, contrairement à ce que j'ai pu lire, que l'accent original de l'acteur, qu'on lui a permis de conserver, donne un côté étranger et intriguant à Lecter.

Comme sa gestuelle précise, ses mots sont cherchés avec soins et  le rythme de parole ralentit pour que le public comprenne mieux. Le tout est terriblement charmant et vaguement sinistre pour les téléspectateurs.


Je pourrais sérieusement continuer toute cette chronique en vous décrivant le charisme de l'homme et le machiavélisme qui transparaît dans toutes ses apparitions, le perfectionnisme commun au docteur et à l'acteur, tout ça, tout ça... mais il faut aussi que je parle de Will.

Si les producteurs de la NBC n'étaient pas toujours à l'affût des audiences, la série ne se serait pas intitulée « Hannibal » mais « Will Graham ».


Parce que c'est lui le héros, ce professeur en psychologie criminelle de Quantico (que vous connaissez si vous avez lu/vu « Dragon Rouge ») à l'empathie si forte pour les serial-killers qu'il peut s'imaginer être eux et ainsi les attraper.
Hugh Dancy ( Hysteria, King Arthur, Adam) est brillant. Je sais que je ne cesse d'utiliser des superlatifs mais il faut bien le dire : il joue à la perfection ce grand névrosé.

Well...hmm...Hello you!

Voyez-vous, Will est très très perturbé et Hugh avec sa voix qui se casse, ses tremblements et son regard fuyant fait un boulot remarquable. Il alterne les phases de stress et d'hallucinations avec celles de pur génie de façon si fluide qu'il est, à nous comme aux autres individus, impossible de différencier lesquelles sont les causes et lesquelles sont les conséquences.
En plus de ça, Will est particulièrement attachant, et, comme beaucoup dans la série, on s'inquiète pour les dérives régulières du personnage.
A une époque où la plupart des héros surdoués de cops shows sont manipulateurs et destructeurs pour leur entourage, c'est assez agréable de voir un vrai « gentil ». Ou presque. Will n'est pas sûr de lui, il est positivement effrayé par son propre esprit et par ce qu'il ressent quand il s'imagine tuer à la place des psychopathes qu'il poursuit.

Cette image doit vous rappeler un truc techniquement...
C'est là que se noue la relation avec Lecter.(qui lui est éminemment lucide : il se sait fou, il s'en enivre).

Will a beau être « fragile » d'apparence, il n'est pas si facile à contrôler, ce que Lecter lui explique d'ailleurs.

Les deux trouvent donc un terrain sans précédent de jeu chez l'autre : Lecter peut à loisir essayer de façonner Will jusqu’à "éclosion" ( oh douce allégorie du papillon comme tu n'es pas loin...) et Will trouve enfin quelqu'un qui le comprend suffisamment pour se sentir humain.

Pour l'instant la dynamique est en faveur de Lecter qui manie d'une main de maître son profiler et les membres de son entourage, mais on se doute que cela va évoluer vers une vilaine rupture.
(Celle qui est consommée dans Dragon Rouge en l’occurrence).
J'emploie le terme de rupture dans l'esprit de la série et des bouquins parce qu'il y a de l'amour entre ces deux là. Je parle d'un véritable attachement entre les deux hommes.

Ce qui me permet d'en venir à un autre détail : Hannibal n'est pas, et ne sera jamais le méchant de cette histoire. Will poursuit des criminels et Hannibal œuvre en tant qu'éminence grise.
C'est là qu'il se complait et c'est là qu'on aime le voir. Le docteur Lecter n'est pas un "vrai psychopathe", c'est un être inventé par un romancier, il éprouve donc des émotions et élève ses crimes au rang d'art.
Mads résume très bien l'ambition de son interprétation en disant qu'il ne le joue non pas comme un humain dérangé mais comme l'incarnation du mal dans sa forme romancée, c'est à dire « Satan ».
C'est pas affriolant tout ça ?

Pour finir sur les acteurs, un petit mot de Laurence Fishburne : Lui aussi est très bien même si on ne sait pas encore grand chose. (Moi j'aime quand il crie!)
C'est un homme de poigne qui entraîne Will là où ce dernier, du fait de son empathie, ne devrait pas se trouver et ce, par souci de justice autant que par ambition.
Cette dernière ayant été repérée par Lecter, il devient presque normal de le voir se faire lui aussi rouler. Il faudra attendre d'en savoir plus pour se faire définitivement une idée de l'individu !



Beautiful Beautiful Beautiful.

Il est de très bons cop shows, certains très pointus, d'autres psychologiquement ambigus à souhait. Il est 
d'autres séries magnifiques et il en est, enfin, de morbides et dérangeantes.
Je n'avais pas encore trouvé une série qui ait tout cela.

Bryan Fuller, à qui l'on doit aussi « Pushing Daisies », « Wonderfall » et « Dead Like me » n'a pas son pareil pour créer des ambiances. On peut reprocher de nombreuses choses à ses précédentes histoires si on veut, mais pas l'univers dans lequel elles évoluent.

Il réitère l'exploit ici avec une cinématographie étonnante à la beauté bleutée et brumeuse. Le choix des couleurs (et notamment les rouges), le travail sur les perspectives, l'élégance des décors (vous penserez à moi en observant le bureau de Lecter, qui est un bijou), la musique et l'éclairage, sont des réussites.
Le tout donne un aspect unique, sophistiqué, vaguement oppressant et sert la mythologie de Thomas Harris.

Un exemple qui renforce ce que je disais plus haut sur le côté ange déchu de Lecter ?
Prenez le pilot, la séquence d'introduction de son personnage.
Vous avez : de la musique classique, un bleu cendré, un acteur aux traits anguleux et un plan qui commence par vous montrer sa nourriture.
Sur la table devant lui vous noterez le travail de présentation de trois fruits : Une fraise (symbole de la passion), des figues ( le fruit des artistes) et une grenade (symbole de l'enfer et de l’idolâtrie). Les trois ont aussi en commun d'être un rouge profond évoquant, bien sûr, le sang.

Ceci n'est pas retouché, c'est une vraie scène
avec ses vraies couleurs (sauf le crac).
Le souci esthétique et le macabre servent la narration et deviennent quasiment un personnage à part entière. Vous apprécierez aussi le souci du détail quant à l'alimentation du docteur ou sa garde robe à faire pâlir de jalousie les chroniqueurs de GQ.

Je glisse un mot sur la sensualité qui découle de tout ceci : Je trouve (à titre hautement personnel) que cette série cultive un aspect voluptueux et épicurien qu'incarne Hannibal à merveille. (Will, surtout en sa présence, tend lui aussi vers un personnage plus...heu... charnel...)

Certains plans de lèvres ou de mains confinent à une décadence et un érotisme recherché que je me prends désormais à chercher avidement. Avis aux amateurs.


Alors, que dire des mauvais côtés de cette série ?
Peu.
Mais on avancera qu'elle est plutôt lente, que les dialogues (si bien écrits) peuvent alourdir l'ensemble si vous n'êtes pas un aficionado des jeux d'esprits et de l’introspection.
Il se peut que vous trouviez certaines personnes particulièrement apathiques ( je pense à Alana, notre future femme prétexte et la jeune Abbie).
Enfin,comme il s'agit surtout d'une forme viciée de bromance, la plupart des enquêtes ne servent qu'à confronter Will à ses démons, les tueurs en sont parfois éclipsés et il manquera aux amateurs de séries policières les fameuses « arrestations épiques » passé le premier épisode.

Je place de grands espoirs dans cette série mais elle est déjà menacée en raison de son faible nombre de spectateurs aux USA. Nous croiserons donc les doigts.

Vous vous fichez éperdument de savoir que :
Magnifique je vous dis!
  • Il existe en réalité quatre films inspirés des livres de Thomas Harris mais la production  de la série a déjà indiquée qu'elle ne se servirait pas d'"Hannibal Rising "officiellement pour des raisons de chronologie ( Hannibal serait trop âgé), officieusement parce que le livre comme le film sont loin de faire l'unanimité chez les fans. On remarquera quand même que le bureau de Lecter est orné notamment d'estampes japonaises...(wink-wink).
  • Certains dialogues entre Lecter et Will sont tirés tels quels des romans. Plaisir unique de retrouver mot pour mot les analyses originales.
  • Des seconds rôles et guest stars de toute beauté sont attendus : Gillian Anderson (X-files) en psychiatre, Lee Pace (Pushing Daisies) et David Tennant (Dr Who) en tueurs sadiques!
  • Hannibal est lituanien. Et ouais. (ça règle le débat sur qui de Mads ou Anthony a le meilleur accent : Match Nul!)
  • Hugh Dancy et Mads Mikkelsen sont très amis à la vie depuis qu'ils ont joué ensemble dans "King Arthur". Ils auraient insisté pour travailler ensemble.
    Ils partagent aussi une passion pour le français qu'ils parlent tous les deux relativement bien ! Langue très présente dans la série ( tous les titres d'épisodes sont lié à l'art de la table française)...ils l'emploient souvent hors caméra.
  • La série, si elle rencontre le succès qu'elle mérite devrait se poursuivre et voir une réécriture de «Dragon Rouge» pour la télé.
  • Le design est tellement beau que Fuller s'est même permis une petite allusion à "Shining" : Les fameux WC rouges !
  • Il n'y a pas de mal à se l'avouer : ce que cuisine Hannibal est appétissant. Une food-designer, cuisinière de son état, intervient sur le plateau. Elle tient par ailleurs un blog sur son travail où l'on retrouve certaines des recettes mais aussi ses diverses aventures pour répondre aux attentes une peu tordues des scénaristes:
    Savoureux.




Ce billet est sponsorisé par le
champs lexical des arts culinaires,

et les viandes Spanghero.
Drac

2 commentaires:

  1. Quel article merveilleusement bien écrit! Je m'en suis délectée presque autant que je me délecte de cette série. Ton article m'a donné envie de regarder à nouveau les 9 premiers épisodes... Haaa, laissons nous donc aller à nos pulsions!

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    Réponses
    1. Merci, merci! C'est vraiment un super compliment! Les fautes d'orthographes ne t'ont pas dégoutées apparemment! C'est ma bête noire!
      Vive Hannibal! C'est réellement un de mes plus gros coups de cœur, elle mériterait plus d'éloges et plus d'audiences!
      L'épisode 10 vient de sortir! Youpi! Avec lui une excellente nouvelle: la série est renouvelée pour une seconde saison. Il n'y a plus qu'à attendre et surveiller Fuller ( Il a, hélas, tendance à rater ses suites!^^)
      En attendant..." Who's hungry?"

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