dimanche 5 mai 2013

Vous n'êtes pas allés le voir: Stoker.


« Il y a un truc de super chelou chez tonton ….Non, non, maman je te jure, il est tordu ! Tu verrais comme il me regarde ! »

Dans une famille normale cela aurait été le début et la fin du film: "Merci Charlie, c'est gentil mais vous êtes flippant, au revoir!"
Mais pas dans la famille Stoker, non...eux, ils se préoccupent de rien sauf peut-être du prochain repas et de l’absence de la bonne... Voyons donc pourquoi...


Stoker est le premier film « américain » du réalisateur coréen Park Chan-wook à qui l'on doit notamment le génial «Old Boy» et le juste complètement malsain «Thirst».
Il y reprend certains de ses thèmes préférés, à savoir la folie, l'inceste, les liens du sang et la perte de l'innocence.

L’œuvre nous présente donc la jeune et solitaire India (Mia Wasikowska) qui apprend le jour de son dix huitième anniversaire le décès de son père. L'enterrement voit le retour d'un oncle longtemps absent (Matthew Goode) qui se propose d'aider la famille dans son deuil. Mère (Nicole Kidman) et fille accueillent différemment cette idée et il apparaît bientôt que la méfiance innée de la jeune femme est justifiée.
S'engage alors un jeu d'attirance et de répulsion entre le trop charmant Charles et la sauvage India.


C'est fou comme ce type de romance perverse est à la mode. (Je vous ai parlé de Killer Joe).

Stoker est un conte noir sur le passage à l'âge adulte avec tout ce que cela comporte : opposition à la mère, concurrence amoureuse, découverte du plaisir, violence des mœurs...(et beaucoup, beaucoup plus dans le cas singulier d'India).

Le style volontairement froid et blafard renforce cette idée d’irréel, l'intemporalité (qui a été revendiqué
comme un hommage à Hitchcock) participe à l’interprétation mystique et allégorique générale.

Visuellement, c'est très élégant, soigné et vaguement angoissant : couleurs automnales, maison immense, escalier gigantesque, murmures et miroirs pour l'emphase sur la duplicité des individus.
Je suis une grande amatrice de ce type de décor et du travail de lumière sur les personnages principaux.

La scène de la cave et sa lumière vacillante, pour ne citer qu'elle, est de toute beauté.

Cela dit...le scénario, que l'on doit à Wentworth Miller (J'ai pas le temps...mon esprit...glisse ailleurs!!!), est somme toute plutôt éculé et pas forcément toujours en adéquation avec le niveau général du visuel.

Matthew Goode fait, à n'en pas douter, un très bon Pygmalion , et mis à part un abus de fond de teint (ou alors le reste du casting est vraiment trop pâle...), il est exactement ce que l'on peut attendre d'un étrange et sombre inconnu. Le genre qui vous file des frissons de différentes natures quand il vous fixe.



La meilleure interprétation, selon moi, revient à la jeune India qui raconte son passage (violent) à l'âge adulte : Mia s'en sort très bien et évite les écueils des jeunes filles «actuelles » de cinéma.
(Ce que j'appelle" l'effet Twilight": on est toutes pareilles, toutes gentilles, toutes jeunes, jolies, branchées mais pas trop, désespérément amoureuses, vaguement languissantes tendance neurasthéniques.)
Son look et les longs plans qui l'intègrent au décor de style quasi-gothique parviennent à nous convaincre de sa mélancolie initiale et des ardeurs qui s'emparent d'elle.
De même, son apparent détachement cache un tempérament bien trempé et une vivacité d'esprit très appréciable!
J'ajoute que j'ai adoré certaines de ses moues.
Mia est bizarre, morbide, renfermée, quasi mutique et généralement indifférente à tout ce qui ne touche pas à son univers secret.

Ce qui la place (bien sûr) en contradiction totale avec sa mère Evelyn.
Je le dis et je le maintiens, Nicole Kidman n'est jamais meilleure que quand elle incarne ce type de personnage : Eve est une femme plus qu'une mère, une paresseuse qui aspire à la vie et à l'amour et qui se retrouve coincée dans un deuil pesant.

Elle est décrite comme abandonnée à un rôle qu'elle ne sait pas assurer et qui la conduit à l'aveuglement volontaire face à ce qui se trame chez elle.
Son monologue reste l'un des meilleurs jamais prononcé sur les désillusions parentales!


Au final, il s'agit d'un bon film, hommage au vieux thrillers de la grande époque américaine (sans jamais les égaler, hélas) mais il manque un "je-ne-sais-quoi" de passionnel, de vraiment choquant, de véritablement bouleversé et bouleversant que l'on pourrait légitimement attendre du réalisateur de "Old Boy".
Je ne le conseillerais sans doute pas à tout le monde mais si vous aimez les histoires vicieuses et les ambiances à la Edgar Poe, alors, c'est sûr, vous ne perdrez pas votre temps.

Dernière chose:  le final bien qu'évident est très très réussi! Pourquoi? Parce que le film a la force de ses convictions et ça, c'est toujours bon à souligner.



D'accord, d'accord
c'est sexy en diable!
Ok, ok maintenant qu'on est entre connaisseurs...parlons de la symbolique du film !
Car oui, le film est bondé de symboles, c'est même trop ! Partout, tout le temps ! Encore !
Vas-y Park , montre nous que tu connais tes références freudiennes!
Tout y passe : C'est un dépucelage de 1h40 !

J'ai rarement connu des récits qui assènent aussi souvent le même thème...
C'est un fait: le passage à l'âge adulte se fait en partie par la découverte de sa sexualité...mais dans le cas d'India c'est juste intoxicant. (Tiens, voilà un adjectif que j'aurais pu utiliser pour l'oncle)

Florilège : L'araignée entre les cuisses, le sang qui coule pour la première fois, les jambes pliées durant la scène du piano...(Toute la scène du piano avec son "jeu" à quatre mains), le nombre incalculable de fois que l'oncle enlève sa ceinture, la robe en soie, le vin rouge et l'instant magique du changement de chaussures!

Comme si ça suffisait pas, on a une scène de caresses et le trio dans les bois qui ne demandent aucun effort particulier pour être interprétés scabreusement !

Cette dernière mise à mort est magnifique...ne serai-ce que pour la position des personnages: je l'avoue, j'ai adoré !
...mais pourquoi, au grand pourquoi encore plus enfoncer le clou ?

Du coup même la scène de la glace en devient suspecte! (Vous noterez que malgré tout cela, il ne la touche jamais...)
Je ne sais plus à quel instant précis mais je me souviens avoir pensé à Nostalgia Critic et son bonhomme/réalisateur indépendant qui crie « Ask  me what it means !» ( Demandez- moi ce que ça veut dire!)

Je ne regrette pas vraiment ces scènes, je suis juste effarée qu'elles constituent quasiment toute la relation entre oncle et nièce quand on voudrait y voir un peu plus de comportement prédateur ou de découverte de soi. Après tout, c'est réellement ce qu'elle essaie de nous dire, non?
On a même un monologue parfaitement inutile au début qui nous renseigne sur l'angle choisi! Au cas où on aurait pas compris, hein?!
"L'âge adulte...blah blah...grandir c'est dur et ça me fait des choses...spirituellement...Blah...blah...je porte des talons maintenant...blah..."
Le réalisateur et le scénariste prennent-ils le public occidental pour de gentils simplets à qui il faut tout expliquer ?

J'ai oublié de préciser que si vous êtes fétichiste des pieds et
chaussures, ce film va vous rendre dingue!

Ask me what it means!
Je ne me souviens pas que "Thirst" (qui rejoint Stoker sur de nombreuses problématiques) ait eu besoin d'afficher autant ses intentions. Comble de l'ironie, le film en dégage presque un sentiment d'immaturité !
Mais non, non cela ne gâche pas l'ensemble, cela le rend...trop...évident?


Vous vous fichez éperdument de savoir que :
  • Selon Miller, « Stoker » le nom de famille, est directement inspiré de Bram Stoker (auteur du célèbre Dracula) ce qui a pu  faire dire à certains qu'il s'agissait en réalité d'une histoire de vampire!
    Personnellement j'adhère seulement à l'idée au sujet de l'esthétique générale...pour le reste, il me semble que cela doit plutôt avoir un rapport avec l'idée (sous exploitée) que le Mal court dans les veines de la famille.
    ( Aussi horrible et fausse que soit cette idée).
  • La tante, qui fait une brève apparition, est incarnée par la géniale Jacki Weaver qui connaît une immense succès depuis qu'elle a joué la mère redoutable dans « Animal Kingdom ». Le film australien est excellent, je vous le conseille !
  • La chef décoratrice (à qui l'on doit les décors de Black Swan) a crée un univers de contes de fée « éthéré » basé sur le thème du
    chasseur et de la proie. Le tournage ayant été réalisé dans une seule et véritable maison, une quantité non négligeable de meubles des années 20 appartenant aux propriétaires figurent dans les plans.
  • Autre échappé de Black Swan, le compositeur Clint Mansell réalise pour ce film une bande son magique, sobre et inquiétante. L'air joué à quatre mains en est un exemple parfait et figure en entier dans le film. (Ce qui est rarissime!)
  • Matthew Goode, peu connu aux USA, commence à faire son chemin depuis son Angleterre natale.
    Parce que je suis déjà folle de lui, je vous fais part de son projet de série télé : Il va jouer dans le très attendu «  The Vatican » qui nous plongera dans les arcanes du Saint Siège et qui, selon la rumeur,  sera produit par Ridley Scott.

    Vous aussi vous avez
    Faf Larage dans la tête,
    ou c'est que moi?
    Drac

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