jeudi 7 février 2013

Django Unchained! (Le D est muet)


Quoi ?! Vous n'êtes pas allés voir Django Unchained ? Sérieusement ?

Si Tarantino fait un film, je me dois de le voir. Je suis une inconditionnelle de l'hémoglobine outrancière sur fond de musique décalée.
Me voilà gâtée avec le dernier : Django est un petit bijou d'humour et d'action grand guignolesque, mais pas que...

Alors qu'il est transféré vers un nouveau marché aux esclaves, Django (Jamie Foxx) est libéré par un mystérieux dentiste/chasseur de prime allemand (Christoph Waltz) qui souhaite sa collaboration pour retrouver un trio de frères négriers sur lesquels pèse une généreuse récompense.

L'affranchi accepte de participer à cette chasse à l'homme si le docteur King Schultz l'aide ensuite à délivrer sa femme Broomhilda (Kerry Washington) des griffes du sadique Calvin Candie.
(Leonardo DiCaprio)

Vous avez là le scénario parfait du western spaghetti revisité, avec son lot de plans américains, de coups de feu, de langage ordurier, de guet-apens et de saloons.
Tarantino est nourri de ces clichés dont Sergio Leone fut le grand instigateur. (Vous le voyez aux bizarres travelling et aux rapprochements brusques de la caméra sur le détestable Candie).
Et ne parlons même pas de la scène d'introduction kitsch au dernier degrés. La musique autant que la typologie de «  Django » est un hommage direct aux films de nos papas. ( Et quelques mamans)

Là, ou presque, s'arrête le rapprochement.
Tarantino fait du neuf avec du vieux, du coup, la thématique noire absolument étrangère aux westerns des années 60 est ici au cœur de l'intrigue.


Et, il faut bien le dire: ça marche.
Le film tourne à merveille malgré quelques longueurs: notre cher Quentin a toujours fait parler les gens pour ne rien dire. La place accordée au dialogue est centrale dans ses œuvres souvenez vous de la scène d'ouverture de deux de ses films : Reservoir Dogs et Pulp fiction.

C'est aussi la seconde fois, sous couvert d'une bonne grosse rigolade sanguinolente très pop, que le réalisateur entre dans la condamnation d'une abomination : Après l'Holocauste d'Inglorious Basterds, voici l'esclavagisme au Etats Unis.
Entendons-nous bien, Tarantino ne fait pas un film engagé et rétrospectif sur l'esclavage, ce n'est absolument pas le but, pour cela vous vous reporterez à un autre film excellent : Lincoln de Spielberg. ( Actuellement en salle)


Il réalise plutôt, et comme à son habitude, un hybride, qui s'il vous fait souvent hurler de rire
 (Cf: les scènes du Ku Kux Klan et de l'habit de page), n'en viens pas moins rappeler qu'il y a peu, encore, une vie humaine pouvait avoir un prix.

En ce sens, certaines scènes frôlent gaiement l’insoutenable à l'image du duel dans le riche club privé de Candie. Voilà ces hommes blancs, dégustant leur brandy tranquillement assis au milieu d'un décor outrancièrement raffiné qui encouragent leurs «  propriétés » à s'étriper pour leur seul plaisir...
Avouez que cela, plus la scène où un vieillard se fait dévorer par des chiens pour avoir essayé de s'enfuir laisse un sentiment doux amer de dégout pour l'humanité.
Accusé immédiatement de se servir de la traite des noirs pour amuser le bon peuple, Tarantino réplique illico par une vérité universelle « Au moins moi, j'en parle ».
Hum...pas faux. Et le pire, c'est que chacune des tortures et punitions citées furent hélas pratiquées. Il n'a même pas eu besoin d'inventer.

Maintenant, parlons vraiment ciné :
La scène que je vous ai décrite plus tôt permet d'introduire le «  méchant » de l'histoire à savoir Candie, interprété par un DiCaprio parfaitement déchaîné, pervers, pédant, certain de son droit quasi divin de maltraiter ses esclaves.


Quel rôle superbe ! Je trouve le charisme de l'homme (qui pourtant n'a qu'une faible présence dans le film) phénoménal !
J'ai le souvenir de son regard glaçant, et son absence de texte lors de l'épisode des chiens....

Il est mielleux, hautain, intéressé et colérique, bref, une incarnation très stéréotypée du propriétaire esclavagiste. Et il est formidable! La scène du repas qui tourne au règlement de compte (en plus d'emprunter quelques clichés du vaudeville aux portes claquantes) aurait du lui permettre d'être nominé aux Oscars en qualité de second rôle. Bien sûr, comme c'est Di Caprio, il s'est fait refouler à l'entrée.


La nomination pour le second meilleur rôle revient à excellentissime Christoph Waltz, déjà dépositaire de la statuette pour son glaçant rôle d'Hans Landa dans Inglorious Basterds.




Cette fois, Tarantino lui écrit un Dr King Schultz tout en nuance, drolatique, humain et déterminé. Avec une assurance et une gouaille très second degrés, il se balade dans le film enchaînant les bons mots et les leçons de morales à l'adresse des américains.
Il en éclipse même le brave Django dans certaines scènes.
Ses derniers mots «  J'ai pas pu m'en empêcher! » résument plutôt bien le caractère fier et au final ( oh mon dieu, elle va le dire!) altruiste du personnage.
Si vous trouvez cette magnifique réplique mal dite, la sortie c'est le petit truc rouge en haut à droite.

Je finis avec le dernier du trio, le « héros » Django.  
(Celui qui m'accuse de finir par le début se référera à la ligne précédente.)

Jamie Foxx avait eu quelques soucis à retrouver un rôle à la hauteur de son talent depuis Ray. Voilà qui est fait !
Son Django, bien que moins brillant que ses deux camarades selon moi, est exactement ce qu'on attend de lui. Que ce soit la colère, la peur ou l'incompréhension, Jamie les enchaîne à merveille.
Son évolution psychologique est clairement de celle de soumis à dominant, de serviteur à maître: en témoigne ses péripéties vestimentaires jusqu'à la tenue finale volée à Candie « le pourpre est ma couleur ». Vous voulez une allusion plus claire?

C'est un western dans lequel le personnage principal est plutôt sensible puis s’endurcit pour sauver celle qu'il aime...c'est pas beau ça ?
Il est suffisamment bon pour avoir attiré l'attention de l’Academy : Jamie est nominé pour l'Oscar du meilleur rôle masculin en 2013. Affaire à suivre mais il y a du lourd en face.

Ha... encore une chose qui prouve que Tarantino est le maître : Django est tellement Uber Cool qu'il regarde les explosions. Et ouais, de dos c'est trop mainstream. Hipster avant l'heure.


Bon, soyons encore sérieux un moment, saluons le travail des second rôles, qui est, comme toujours remarquable, particulièrement de la part de Samuel L. Jackson en intendant sournois (acteur chéri parmi les chéris de Quentin).
Kerry Washington qui est pourtant moteur de l'histoire en Broomhilda, n'a qu'un tout petit rôle mais s'en sort. Enfin, ma bonne surprise c'est mon adoré Walton Goggins ( The Shield, Justified)  en contremaître raciste : pour ne pas changer un rôle immonde qu'il maîtrise de bout en bout. Et un nouvel accent à son compteur!

Les dialogues, comme toujours, hyper denses, sont à savourer. Dans leur dimension théatrale pour la plupart, bardés d'humour sauvage, assumés de bout en bout par les acteurs, ils restent un de mes traits caractéristiques préférés chez Tarantino.

Ce film est une pépite, qu'il faut essayer.
La violence façon Tarantino continue de déverser des litres de peinture rouge sans aucune vraisemblance et franchement, on en redemande.

La musique, qui, à nouveau, tient une place spéciale dans l'oeuvre est aussi jouissive que les images. On passe du classique Ennio Morricone à RZA et cet éclectisme rend la BO inimittable.
Les scènes rythmées par ces sons anachroniques sont de grands moments de joyeux n'importe quoi à déguster autour d'une Corona.

La BO sur CD est un plaisir encore plus particulier puisque vous pouvez suivre l’évolution du film grâce à l'insertion de morceaux de dialogue savoureux !

Personnellement, après avoir été un peu déçue de Boulevard de la Mort et Inglorious Basterd, me revoilà à nouveau fan. Je vous laisse, je vais revoir Reservoir Dogs.

Le casting au complet avec Quentin ( qui fait un cameo vers la fin).

Vous vous fichez éperdument de savoir que :

  • Le discours de Candie est un bijou. Vous vous êtes sans doute demandé à quel moment le sang à commencé à couler sur la main de Di Caprio. Et pourquoi ? Ben parce que l'acteur s'est blessé sur le verre qu'il éclate malencontreusement trente secondes plus tôt. La blessure n'est pas feinte. Leo n'est juste pas sorti du personnage malgré la douleur.« Whaouh! comment c'est bien fait ! ». Non, non ça saigne vraiment. Les acteurs étaient traumatisés de le voir dégouliner sur ses vêtements de soie et la belle nappe toute propre. Surtout la pauvre Kerry.... car oui, il lui écrase bien sa main pleine de sang sur le visage. De nouveau, cela n'était pas prévu.Trois points de suture plus tard, on tournait la suite.
  • Jamie Foxx n'est pas le vrai nom de l'acteur. C'est un pseudo inventé un soir de désespoir. Lorsque le jeune Eric Marlon Bishop faisait de l'impro sur scène pour survivre, il découvre que les femmes  sont plus souvent appelées par des bars et cabarets. Ni une ni deux, il s'invente un alias féminin « Jamie ». Et ajoute le XX pour faire « coquine ». Bingo !
         ( Il rend aussi hommage à Redd Foxx, un comédien noir américain qu'il admire depuis longtemps.)
  • Le film est nominé cinq fois aux Oscars  dont « meilleur film » mais la bataille sera acharnée, le favori étant Lincoln.
  • Broomhilda Von Shaft serait une lointaine ancêtre de «  Shaft » le célèbre flic noir selon le réalisateur.
  • L'utilisation de la dynamite dans le film censé se dérouler en 1858 est impossible. Nobel créa le célèbre bâton en 1866.
  • L'utilisation du mot « Nigger », insulte ultime pour les noirs américains, a crée une controverse comme seul Hollywood sait les faire. Tête de file de la protestation, le réalisateur Spike Lee (qui ne cache pas son antipathie à l'endroit de Tarantino), s'est évertué à rappeler que l'esclavage n'est pas sujet à un film quasi parodique. Fidèle à lui même, Quentin s'en fout et on l'en remercie.
  • L'acteur qui joue le malchanceux propriétaire du lutteur perdant est Franco Nero. Vous ne le connaissez pas mais il s'agit de l'interprète original de « Django », un nanar très limite des années 60 par Sergio Corbucci. Humour oblige, quand le Django de Jamie Foxx lui explique la prononciation de son prénom, ce dernier répond logiquement «  je sais ».


La femme masquée là en bas
à gauche.


Appel à témoin : Il y a une femme dans le film, qu'on voit d'abord à la fenêtre lors de l'arrivée en ville puis qui, je pense, passe le reste du film masquée par un foulard à Candieland.
C'est qui ? Quoi ? Pourquoi ? Comment ? A quoi sert-elle ? Que fait-elle avec une photo quand Django entre dans le cabanon ? Faut-il que j'attende la version longue pour comprendre ?
Si vous aussi vous repérez des personnages qui servent à rien mais vous obsèdent au point de retarder votre chronique, merci d'appeler « Toute une histoire »...

Drac

4 commentaires:

  1. et un oscar pour Tarantino, un !
    Du coup, peut être qu'un jour je me laisserai tenter ...

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  2. "In the case Django, after you..."

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  3. Est-ce que la femme mystère de ce film ne serait pas en fait Amber Tamblyn (Joan of Arcadia, House MD)? Elle est créditée comme étant "la fille d'un Gunfighter" sur l'encyclopédie W. Mais effectivement elle sert a rien ... Dommage

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  4. C'est elle oui, mais pourquoi? Un grand mystère de plus...
    Christoph Watlz a encore gagné un Oscar! Belle revanche sur la vie, lui qui, désespéré de survivre en jouant les dépressifs dans "Rex", promettait de raccrocher il y an encore 5 ans.

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