B.A ici! |
Tiens, une nouvelle adaptation cinématographique du célèbre conte de Mme de Villeneuve! Ce ne sera que la neuvième! Dont celle de Cocteau avec Jean Marais, quand même!
Courrons (au ralenti, robe vermeil au vent) donc voir ce qu'en a fait Christophe Gans!
Légers spoilers mais quand même! Vous voilà prévenus! |
Alors...on commence par l'intolérable!
Pétition pour que:
- Audrey Lamy ne joue plus jamais dans quoi que ce soit en dehors de « Scènes de ménages» et encore, sous la surveillance d'un gardien de prison chinois.
- Pour que les réalisateurs arrêtent de donner des monologues explicatifs à des personnages. C'est tellement gonflant d'entendre un acteur respecté tel que André Dussollier parler à son cheval, puis seul, puis décrire ce qu'il voit...Oui, merci ! On a remarqué nous aussi, car...bon quelque part...on est là!
- Pour que le cinéma français obtienne enfin un budget décent afin qu'on ne se moque pas pendant les 2/3 du film des fonds verts! Ou de la Bête, bon sang !
- Pour qu'ils cessent sur l'instant de rajouter des animaux kawaï qui ne servent strictement à rien dans l'espoir que le film soit "family-friendly" ou pire "girl-friendly"!
- Pour que Vincent Cassel ne tourne plus qu'avec des pointures du cinéma indé. Parce que, oui , je l'aime fort fort et c'est pour ça que je le laisse partir.
Ok, là c'est bon, on a couvert vite fait l’infamant, dirigeons-nous (en grande robe verte damassée) vers les étages de la médiocrité.
L’œuvre de Gans, à qui l'on doit le «Crying Freeman» et «Le Pacte des Loups» ou le beaucoup moins apprécié «Silent Hill», n'est pas une nullité intégrale mais rate son sujet. Comme pour une gymnaste en plein exercice de barres asymétriques, la chute tient uniquement à un ou deux doigts mal placés.
En gros : D'orgueil, d'immaturité, de trahison, de punition, d'acceptation, de sacrifice et finalement d'amour. Le tout avec plus ou moins de bestialité selon votre version des choses.
De quoi se permettre pas mal de sentiments contrariés, de colère et pimenter un Disney pour n'importe quel scénariste.
Et bien, là, que nenni. C'est plat. C'est dans les clous et affreusement propre. De l'émotion, par pitié!
C'est peut être la pire déception de toutes...Comment un type qui a fait "Le pacte des loups"(trashy), peut-il faire un film tout bien comme il faut avec Vincent Cassel et Léa Seydoux? Qui, dîtes-moi qui, peut rater une alchimie de malade comme la leur? (A la première, il ont brulé le tapis rouge, parait-il!)
…
Elle qui, en temps normal, dégouline de sensualité, tendance inaccessible même en étant nue et offerte, et lui, qui foutrait le feu à un extincteur s'il prenait la peine de le fixer, sont bien barrés avec leur valse simpliste et leurs dialogues d'une relative banalité, qui en plus, ne collent pas forcément à leur personnage.
Et dire qu'avec ces deux là, on a droit à une bluette pré-adolescente. Excusez-moi mais je crie au scandale!
Quand on voit la promo puis le film, on se sent spolié sur deux, trois petits trucs... |
Non, le véritable problème se cache en amont de cette tentative mignonne de nous faire vibrer : il est dans la dualité de ton et l'absence de parti pris de la narration.
C'est gothique ou romantique? C'est violent ou délicat? C'est contemplatif ou dans l'action? C'est historique et ampoulé ou c'est une modernisation à ressort comique? C'est noir et torturé ou onirique et frais?
C'est la Belle, le centre de l'histoire, comme chez Disney ou la Bête, comme dans le conte original ?
Personne ne sait. Même pas Gans, même pas Léa qui passe de l'héroïne tragique à la provocatrice (ratée) en un repas.
Et ce n'est pas sa faute! Vraiment, son interprétation aurait été tellement plus agréable avec quelques sourires en plus et de vraies larmes. Mais non, elle court beaucoup et affiche un air confus majoritairement froid ou désincarné.
Je ne sais pas vous, mais moi, ce n'est pas une Belle inactive qui m'attire.
Attention, pic de sensualité délirante. |
Vraiment, son comportement n'est pas cohérent une minute.
Elle est tout sucre, douceur, amour filial et d'un coup, elle nous fait dans la revendication féministe avec «Tous les hommes, c'est tous les mêmes!».
J'ai partagé la vexation de la Bête, vous imaginez?
Elle pousse d'ailleurs si loin sa revendication qu'elle en vient à... supplier dans un paroxysme de souffrance poétique. A genoux, dans la neige, la totale. Ouaip, une meuf, une vraie. Je lui aurais bien sûr pardonné cet égarement passager s'il ne s'agissait pas apparemment de son plus grand moment de bravoure.
Ce qui est encore plus dommage, c'est qu'il s'agit de l'une des meilleures scènes du film, artistiquement parlant.
Je continue à penser que Léa Seydoux est une bonne actrice coincée dans des corsets et des textes qui fleurent bon le minimum syndical.
Contrairement aux acteurs de seconds rôles qui eux, en plus d'avoir des textes pathétiques (vous devriez toutefois sourire une fois ou deux), sont nuls.
Plus proche du Furby que de la Bête! |
Et puis, vous avez la Bête. Cette créature, parfois vraiment ridicule à cause d'effets spéciaux en mode discount, qui délivre quelques bonnes répliques avec une voix divine.
Pauvre Vincent Cassel, dès qu'il rentre en France, il doit pleurer à cause du niveau de notre cinéma fantastique et de l'ambition de petits réalisateurs mal inspirés de copier les States.
«Même pas de bons faussaires», qu'il doit se dire.
Bref...Cassel joue une bête assez convaincante mais plutôt pressée de voir le syndrome de Stockholm lui venir en aide. Comment tombe-t'il amoureux ? A quel moment ? Mystère...mais on peut dire qu'il la kiffe sa prisonnière! Genre «direct-cash»!
Encore une aberration scénaristique à digérer.
C'est qu'en veuf éploré, plutôt maudit et canoniquement «étouffé par son orgueil», il est finalement assez sympatoche!
Comme j'aurais voulu un monstre ! Comme je suis déçue !
Vous savez quoi ?
"Si tu pars, la nature se refermera sur toi! -Z'allez me poursuivre en fait? -Euh..yep... -Ok... " * part en courant* |
Ajoutez que ce serait plus proche de la version initiale du conte (dont le parti pris est clairement de vous dire que vous devez embrasser la bête pour y trouver le prince).
Il reste de bon points : Si vous ne prêtez pas trop attention aux fonds bleus, je dirais que le château de la Bête est une réussite.
Les décors comme les costumes sont kitsch dans le sens où plus aucun film n'oserait ce design sans être taxé de mauvais «Del Toro» mais ils sont idéaux car il renseignent sur ce qu'a voulu en faire Gans : un conte imposant, étouffant et épais comme une infinité de couches de velours.
Le coté « hors du temps» qui s'accompagne d'un lent dépérissement, la pression et la beauté de la nature renforcent la tragique histoire de ce prince déchu par sa propre main.
Le début de la fameuse valse gère, j'avoue! |
L'autre plus c'est peut être la « backstory » de la Bête : tragique et joliment racontée par flash-back, Cassel, enfin débarrassé de ses poils informatisés y est vaniteux et donc...charmant.
Les frères de Belle sont purement anecdotiques mais ils ont une de ces classes! |
Pour finir, je devrais quand même parler de l'autre sous propos du film : la famille de Belle composée essentiellement d'un papa pas convaincant, de deux filles idiotes et de fils dilapidateurs d'argent.
(Ce qui est respectueux de leurs rôles initiaux dans le conte sans pour autant être intéressant en l’occurrence).
Tous mal représentés par des acteurs pas motivés pour un sou dont l’intérêt varie de la bonne blague franchouillarde au ressort obligatoire pour film-avec-apothéose-bien-téléphonée.
L'ainé par exemple, se fait des ennemis, qui, par un retournement de situation attendu, deviennent l'incarnation de ce fameux «monde extérieur» qui menacent la Belle et son amoureux dans à peu près toutes les versions.
Ce qui est à souligner, c'est que la meilleure phrase du film est dite par la voyante, maîtresse du chef des méchants en question. Ne dit-elle pas en substance ce qui fait l'interêt de cette adaptation de la Belle et la Bête ?
«Amour, mon sort est doux par rapport au tien!»
Drac. et le thème de l'expiation,
en tournée près de chez vous.
Vous vous fichez éperdument de savoir que :
- Le film est bourré de symbolique facile : à défaut de vous montrer des chairs convulsées de plaisir, il vous fait le coup du sang. Les filles saignent. Il n'y a que les filles qui saignent dans ce film...et pour cause. Belle, elle-même, saigne deux fois. Lorsqu'elle entre pour la première fois sur le domaine, quittant ainsi définitivement l'enfance (sa voix n'est elle pas différente par la suite?), et une autre fois quand l'ennemi menace
sa vertuvie et tâche ses chaussures et ses bas. Ahem.
- Par la suite, il naît des roses de son sang... ça c'est l'autre symbolique: le sacrifice!
- Il s'agit de la seconde collaboration entre Cassel et Gans.Vincent jouait Jean François de Morangias dans le film «Le Pacte des Loups» en 2001. Il était déjà à l'époque le meilleur du casting...tu me diras face à Samuel le Bihan...
- D'ailleurs, Vincent Cassel est un excellent mime. Si, si, c'était son choix initial de carrière...Ce qui nous aurait privé de cette voix fantasmatique ! Ca va pas la tête ?! Cela lui permet quand même de gérer une gestuelle bien utile au film.
Making off! |
- Le film a été entièrement (plan par plan) « storyboardé » pour que tout le monde soit d'accord sur ce qu'il y aurait à rajouter en post-production et donc à imaginer là tout de suite. Je vous laisse décider du résultat.
- Une nouvelle adaptation du conte est attendue! Par Guillermo Del Toro cette fois ! (Tiens donc). Emma Watson est pressentie dans le rôle principal.